Éléna Salah
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Résidence(s) Croisée(s) - Un parcours de résidences
Faculté d’éducation / Université de Montpellier / École maternelle Florian /
Rectorat de l’Académie de Montpellier
En partenariat avec Mo.Co. Montpellier contemporain et avec le soutien de la DRAC
Actuellement en résidence à l’Université d’Éducation de Montpellier, Elena Salah propose une temporalité de résidence en deux temps ; l’une hors les murs en Guyane et l’autre dans l’Espace Culturelle de l’Université. L’artiste, en accord avec le programme de La Résidence Croisées, intègre un projet de recherche initié l’année dernière en Guyane et soutenu par l’Aide Individuelle à la Création de la Drac Occitanie et par la Dac Guyane.
Lors de ce temps de travail intitulé « Hors les Murs », l’artiste va, par le biais de son site internet, montrer sa recherche In Situ, ce temps où elle n’ait pas en atelier et partager son environnement. Son travail artistique l’engage à aller sur différents territoires pour questionner l’histoire au travers de la mémoire paysagère. À son retour, elle investira l’Espace Culturelle de l’Université pour produire les pièces liées à la recherche menée en Guyane. Ses travaux seront visibles lors de l’exposition en Janvier.
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Genèse du projet
Projet de recherche soutenu par une Aide Individuelle à la Création par la Drac Occitanie
et le Fond d'Éducation Artistique et Culturel par la Dac Guyane.
Il se plaisait à imaginer toutes les rivières de Guyane comme les étranges barreaux
d’une échelle sur laquelle on poserait son pied rêveur encore et toujours, pour accéder au passé,
au futur du continent mystérieux.
Wilson Harris, L’échelle secrète, éditions Pierre Belfond, Paris, 1981, p.40
Confluents Névralgiques
Ma recherche s’immisce dans un lien ténu entre la reconnaissance de l’histoire et la remise en cause du temps, reposant sur les processus de remémoration, leurs motivations et la nécessité d’une transmission. Faisant partie de ces artistes qui exploitent des sites préexistants, certains étant plus ou moins connus, j’aspire à continuer ce travail qui tente à ressusciter et redécouvrir des paysages, des architectures, qui ont été célébrés, négligés, oubliés ou traumatisés par l’histoire.
C’est par le déplacement et le voyage que je découvre des territoires ayant subi des événements et catastrophes naturelles ou humaines, collectives ou individuelles, dans différents pays. Mes investigations explorent les différentes formes de construction et d’inachèvement dans ses dimensions géographiques et paysagères, architecturales et culturelles. Cette démarche se déploie autour de sites d’histoire plus ou moins connus dans différents pays, pour rechercher une mémoire résolue liée à ces événements. C’est l’essence de mon regard sur l’empreinte humaine dans son équilibre laborieux de reconstruction entre la vie quotidienne et son processus de remémoration.
Ce travail tend à valoriser une histoire française, celle d’un territoire ultramarin ayant subi la colonisation, l’esclavage, devenu lieu d’exil, dans un paysage couvert en grande partie par la forêt amazonienne, aussi bien fertile et prolifique qu’hostile. Le titre Confluents Névralgiques fait écho à l’oeuvre de Léon-Gontran Damas Pigments-Névralgies. De quelle dynamique mémorielle les sites identifiés sont-ils empreints ? Le projet s’établit en différentes phases comportant deux séjours d'un mois. Le premier de recherche sur les trois sites et de prise de contact en novembre 2021 puis le second, en octobre 2022.
Le Lac Petit-Saut est issu de la mise en service du barrage qui a commencé en 1989 et érigé par EDF en 1994. Il est situé à la confluence du fleuve moyen Sinnamary. Pour sa concrétisation il y a eu la nécessité d’inonder une grande partie de forêt faisant suite de la mort de millions d’arbres par noyade. Je pose cette dynamique de l’enfouissement comme un symptôme de la catastrophe générant un nouveau paysage traumatique : une forêt inondée d’arbres morts. Ce site inattendu d’une superficie de 310 km2 devient un espace architectural où trônent des troncs fossilisés qui s’apparentent à une enfilade de colonnes en ruine. Architecture et nature se confondent laissant place à une nouvelle mémoire commotionnée et amputée. Ma réflexion s’associe à l’oeuvre vidéo Réfléchir la Mémoire de Kader Attia sur la notion de réparation. À l’inverse, que signifie cette « gueule cassée » dans le paysage ? A-t-elle une mémoire à réactiver qui puisse être apaisée par une prothèse ? L’incomplétude créée par l’action d’inondation modifie le sens originel du site. Qu’en est-il aujourd’hui de ce paysage muet et silencieux face à cela ?
Cette histoire récente de la disparition se confronte à l’Habitation Loyola, ancienne exploitation agricole, dont les fouilles, il y a vingt-six ans, ont mis au jour les ruines de ce domaine qui avaient été envahi par la forêt. L’Habitation Loyola a été fondée en 1668 et agrandie à plusieurs reprises jusqu’à atteindre une superficie de 1 000 hectares. L’histoire de cet établissement illustre, de façon éloquente, la relation entre l’Église catholique et le système esclavagiste.
Le Bagne des Annamites, créé en 1939 et définitivement fermé en 1945, est le vestige d’un camp pénitencier situé en pleine forêt amazonienne dont les prisonniers étaient principalement originaires d’Indochine. Après l’étroitesse des espaces carcéraux, la nature reprend ses droits pour faire disparaître ce lieu qui avait pour objectif de s’approprier cette région de forêt.
Le territoire guyanais met en avant un grand nombre de traumatismes dont la forêt amazonienne en est le témoin. Ce double point de vue entre la recherche d’histoire et le recouvrement, rejoue les dynamiques de la perte de mémoire face aux traumatismes. Ici ce sont les sites qui concentrent cet état et touchent le point fondamental de ma démarche artistique.
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Carte de Guyane
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Les premiers sites de recherche
Ces images proviennent de mon premier passage en Guyane en novembre 2021. Elles ont un statu de recherche, de croquis afin d'observer, avec du recul, les espaces photographiés et réfléchir au projet. Comment les sites s'expriment au travers des images.
La saison des pluies était en approche.
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Le Bagne des Annamites
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L'Habitation Loyola
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Le Lac de Petit Saut